"Le Prix de Revient n'existe pas" - d'après A. Detoeuf (1937)
"Le prix de revient? Tout le monde en parle. Personne ne sait ce que c'est. Personne ne peut savoir ce que c'est. Sans doute, sur l'ensemble d'une fabrication suivie pendant un temps suffisamment long, on peut (à la condition que les variables économiques soient restées provisoirement constantes) définir un prix de revient unitaire. [...]
Je vais au marché; j'achète 5 kilos de choux pour 10 francs et 5 kilos de carottes pour 20 francs. Mais je dépense, à l'aller et au retour, 3 francs d'autobus. Quel est le prix de revient de mes carottes; quel est celui de mes choux ?
Dois-je répartir mes frais de transport à raison de 1/3 aux choux et 2/3 aux carottes ? C'est raisonnable, puisqu'après tout mon prix global de 30 francs a été augmenté de 3 francs, c'est-à-dire que mes frais totaux ont été accrus de 10%.
Dois-je les appliquer à égalité aux choux et aux carottes ? C'est raisonnable aussi, puisque j'ai acheté le même poids des uns et des autres et qu'ainsi ils ont exigé le même transport.
Mais si la seule chose que j'avais le désir d'acheter était un lot de choux, et si j'ai acheté les carottes en plus parce qu'elles m'ont paru une occasion avantageuse, ne dois-je pas attribuer aux choux le total de mes dépenses d'autobus ? Après tout, c'est bien sur ce prix total que j'avais compté, au moment où je partais au marché avec la seule intention d'acheter des choux.
Voilà trois façons également raisonnables de répartir mes frais généraux. Selon la méthode que j'adopterai, les choux me reviendront à 2,20 F ou 2,30 F ou 2,60 F le kilo, et les carottes à 4,40 F ou 4,30 F ou seulement 4 F le kilo.
Quel est le prix réel de chaque légume? Je peux choisir".
Ce célèbre exemple d'Auguste Detoeuf, polytechnicien, premier président d'Alstom, montre que c'est la Méthode utilisée qui détermine souvent une partie des coûts.
La bonne méthode est celle qui donne de la visibilité, et non celle qui, en fin de compte, laisse le dirigeant hésitant sur les choix à faire.